Négociations internes

Le moins que l'on pouvait dire était qu'il ne se passait pas grand chose. Enfin pour le moment. Lightner se fit cette réflexion en bâillant depuis son fauteuil. Orb était arrivé, mais depuis, plus rien. En effet, ZAFT semblait attendre dans son coin, ils étaient de plus en plus difficiles à repérer, les bougres, tandis que la FFT devait être en train de peaufiner ses données de détection.
Bien qu'ils mijotent tous, l'apparition du Javelot n'en serait que plus frappante pour tout le monde.

Machinalement, Lightner se tourna vers son opérateur de détection lorsque celui-ci bâilla à son tour. Rien de terriblement irrévérentieux là-dedans ou encore de contre-productif mais il ne fallait pas que son vaisseau s'endorme ! Lightner choisit donc d'activer un peu tout son petit équipage. Pressant un bouton de son siège, il fit qu'une voix sorte de son terminal de commande :

"- Hangar principal, à qui ai-je l'honneur?
- Le commandant, préparez-vous à larguer le Javelot. Laissez son pilote dans les vappes et l'appareil au point mort. Nous l'activerons plus tard.
- Bien Monsieur."

Puis Lightner coupa la communication et se tourna vers les officiers de detections :

"- Tout est-il bien enregistré ?
- Affirmatif Monsieur, copie envoyée dans la suite.
- Pardon ?
- Les copies des relevés dont vous disposez sont envoyées dans la suite du vaisseau Monsieur, vous...
- D'accord c'est bon. Je m'y rend, poursuivez comme prévu."

Lightner se leva et quitta la passerelle. Il n'avait jamais demandé à envoyer la moindre copie dans la suite. Et cela ne signifiait qu'une seule chose : la charmante dame s'y trouvant l'avait fait elle même...
Rien de bien extraordinaire là-dedans, Lightner était convaincu que de Lioncourt était bien plus maligne qu'elle ne le laissait entendre. Il ne lui en voulait même pas. En fait, il se reprochait plutôt de ne pas lui avoir proposé lui-même.
Arrivé à la porte de la suite, il se tourna vers l'Intendant qui se trouvait dans la cuisine attenante et lui demanda de lui apporter un verre de Martini Blanc. Puis, il entra tandis que l'Intendant s'activait.
La porte coulissa dans un bruit électrique puis se referma aussi discrètement derrière lui.
La pièce était vaste, même pour un vaisseau de combat. Le grand salon était décoré comme pour une maison d'aristocrate et le mur du fond, à gauche de la porte, était couvert d'écrans géants. Au centre de la pièce se trouvait une table basse entourée de trois canapés confortables.
A l'opposé des écrans géants, à main droite en entrant, une cloison donnait sur une chambre et une salle d'eau.

Lightner se dirigea tranquillement vers le canapé situé en face des écrans géants, posa sans plus de gêne ses pieds bottés sur la table basse avant de s'appuyer avec un coude sur l'accoudoir du canapé, la main sous le menton. Il regarda de Lioncourt sur sa droite avec un sourire malicieux :

"- Navré de vous avoir obligée à jouer avec mes ordinateurs de bord. Je n'ai pas l'habitude d'emmener du monde avec moi. J'aurais dû vous offrir cela plutôt que de vous obliger à vous servir. J'espère que vous me pardonnerez : je ne suis pas très adroit en matière de galanterie. Puis-je vous apporter une explication quant à certains points ? Je me rends compte que je ne vous mène pas la vie facile. Toujours obligée de réagir quant à mes escapades..."

Gabrielle fut interrompue dans son observation tranquille des écrans qui devaient transmettre la déchéance de plusieurs forces armées. Tiens, tiens... Edward Lightner en personne. La jeune femme le regarda s'installer et prendre ses aises comme s'il était chez lui. Elle avait beau savoir que Lightner était sur son vaisseau, Gabrielle considérait qu'elle avait pris possession de la pièce en s'y installant. Après tout, le Twilight n'appartenait-il pas à Cristallicia ? Auraient-ils été dans son aile qu'elle l'aurait durement repris. Nullement prête à faire des concessions, mais royalement disposée à mettre un peu d'eau dans son vin, Gabrielle décida de ne pas le saluer. Il ne comprendrait pas, mais ça lui était bien égal.

Néanmoins, elle l'écouta. Soit, il s'était rendu compte qu'elle avait pris certaines dispositions concernant les manoeuvres du vaisseau. Et alors ? Il venait de le dire lui-même, il avait oublié de la mettre au courant. Si elle avait dû attendre... Gabrielle regretta un bref instant de ne pas avoir emmené Ian avec elle. Il aurait certainement été utile. Gabrielle croisa ses jambes, prenant une pose qui indiquait qu'elle n'était nullement ennuyée. Le charme qui se dégageait d'elle n'était pas naturel, mais il possédait ce petit quelque chose d'absolument irrésistible. C'était une maîtresse femme et elle comptait bien rattraper son erreur d'avoir embarqué sans son personnel à bord du vaisseau de Lightner. Cela ne se reproduirait pas. Pourtant, elle était censée être chez elle, puisqu'à bord d'un vaisseau de Cristallicia...

- Vous vous en êtes aperçu ? Nous sommes quatre à la tête de ce Directoire, il me semble que vous l'oubliez quand cela vous arrange...

Sa remarque était un peu trop acide et pourrait passer pour une frustration quant à la place qu'elle occupait, Gabrielle s'en rendit rapidement compte. Or, ce n'était pas le cas. Elle n'aspirait absolument pas à être à la tête de toute la colonie et préférait largement exceller dans son domaine. Simplement, elle ne pouvait pas effectuer correctement sa tâche ni remplir sa part de travail si Lightner ne l'informait pas suffisamment. Tout en se disant qu'elle le noterait une fois son interlocuteur parti, Gabrielle songea qu'il fallait décidément que les quatre du Directoire se concertent plus souvent pour mener une politique plus homogène. Car elle ne doutait pas un instant qu'ils soient d'accord sur la grande majorité des sujets. Gabrielle sourit et rencontra le regard de Lightner, sans pouvoir s'empêcher de susurrer :

- Ne vous arrêtez pas sur ces paroles... j'ai eu peu de distractions depuis que nous avons embarqué. Jouer avec vos ordinateurs, comme vous dites, n'est au final qu'une manière de passer le temps en attendant que vos manœuvres portent leurs fruits.

Pensive, comme si les excuses de Lightner étaient superflues, Gabrielle ajouta :

- Je serais curieuse d'entendre ce que vous nous avez concocté. Si j'ai bien compris, nous allons assister à un spectacle de taille...

Le sourire de Gabrielle s'élargit. Elle répéta :

- En fait, je serais même très curieuse d'entendre ce que vous avez à dire...